L'expertise médico-légale de la folie aux Assises 1821-1865
Le Code pénal de 1810 fonde l’institution judiciaire sur l’affirmation du libre arbitre individuel. Cette vision de l’homme correspond à une conception traditionnelle de la folie qui s’assimile à l’inconscience. Or, dans la première moitié du XIXe siècle, la psychiatrie naissante propose une nouvelle conception de la folie compatible avec la conscience. A un criminel rationnel, ayant librement choisi son geste, s’oppose un possible aliéné dont la folie a troublé la seule volonté. Cet article se propose d’analyser, par le biais de l’expertise médico-légale, la rencontre entre psychiatrie et justice. L’expertise médico-légale progresse indéniablement, manifestant, du côté de la magistrature, le développement des doutes quant à la nature de l’acte criminel. Il ne faudrait cependant pas exagérer l’ampleur de cette victoire médicale. Si l’institution judiciaire traverse dans un premier temps une phase de turbulence, des procédures de contrôle de l’expertise se mettent rapidement en place, écartant les éléments les plus subversifs de l’aliénisme. C’est finalement l’évolution des doctrines psychiatriques qui permet l’institution d’une expertise assagie : le passage à l’organicisme autorise un partage des rôles entre magistrats et médecins. Ces derniers voient leur tâche strictement limitée à l’examen du corps tandis que l’étude de l’âme et des motivations du criminel reste l’apanage des magistrats. La conception traditionnelle de la folie se maintient et l’ordre judiciaire n’abandonne pas ses présupposés.