« Algériennes » et mères françaises exemplaires (1945-1962)
L’attribution de la Médaille de la Famille Nombreuse Française concerne, comme son nom l’indique, exclusivement les familles françaises. Pourtant entre 1945 et 1960, à BoulogneBillancourt, trente-deux mères « algériennes » reçurent cette récompense. Il est vrai qu’à la faveur d’une pleine citoyenneté acquise par simple migration coloniale (jusqu’en 1962 l’Algérie c’est la France et l’immigration « algérienne » une migration interne) les « Algériens » installés en France se trouvent assimilés en droit à la population française et relèvent du même coup d’un ensemble de pratiques juridico-administratives s’inscrivant dans la logique d’un modèle d’intégration républicain. Reste qu’au regard de la position sociale qui est la sienne, au plus bas d’une stratification socioculturelle et de la discrimination dont elle est l’objet, l’immigration coloniale n’en est pas moins perçue comme étrangère, voire la plus étrangère à la nation. Entre assimilation et assignation l’histoire de la Médaille de la Famille Nombreuse Française octroyée à des mères « algériennes » rend compte, de façon très concrète, de la contradiction à laquelle est soumise l’immigration coloniale. Cette contradiction se traduit d’abord par l’élévation au rang de mère française exemplaire (littéralement : « dont on doit suivre l’exemple ») de femmes « étrangères » que l’on stigmatise par ailleurs comme porteuses de valeurs archaïques qui, notamment, les enfermeraient dans la seule fonction reproductrice.