Profession : critique ?
Depuis la fin du XIXe siècle, l’entrée dans l’ère de la culture de masse transforme considérablement la structure du champ littéraire français, affectant autant les auteurs que leurs indispensables relais auprès d’un public sans cesse élargi, les critiques littéraires. Prêts à lutter contre la pression croissante des lois du marché qui, dans les secteurs industrialisés de la presse et de l’édition, défient leur autorité et les valeurs esthético-morales auxquelles ils sont attachés, ces derniers accueillent cependant avec réticence la fondation, en 1902, d’une association de type syndical chargée de défendre leurs intérêts. L’individualisme de ce milieu élitiste et très hétérogène, dépourvu d’un véritable statut, l’empêche en effet d’adhérer au processus de professionnalisation qui vaut au même moment à nombre d’autres formes de travail intellectuel une reconnaissance en tant que « métiers ». Ainsi, le nouveau groupement connaît des débuts difficiles, qu’il consacre à la recherche d’une identité propre et à l’affirmation de sa légitimité, en marge des modèles offerts par les écrivains ou les journalistes. Sa renaissance des années trente, analysée dans la seconde partie de cette étude, lui permettra de réexaminer comment il peut prétendre devenir un représentant efficace de la « profession » de critique littéraire.