Regards, visibilité historique et politique des images sur les réfugiés palestiniens depuis 1948

Cultures et libérations
Par Stéphanie Latte Abdallah
Français

Cet article aborde les enjeux, les formes et la généalogie de l’entrée des Palestiniens dans le champ photographique et historique. C’est une réflexion sur les images (photographies, films) produites sur les réfugiés palestiniens depuis 1948, en partant de celles de l’humanitaire : celles des Quakers et de la Croix-Rouge de 1948 à 1950, puis celles de l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East) qui apporte depuis 1950 de l’assistance humanitaire et des services aux réfugiés. Ces images sont en effet les seules à retracer plus d’un demi-siècle d’exil et témoignent de la spécificité de l’histoire des réfugiés palestiniens car elles sont le lieu et d’une certaine façon déjà le résultat d’une confrontation politique, historique et culturelle. Aussi figurent-elles le consensus international sur la question des réfugiés à différentes périodes. Sont également étudiés les photographies et les films militants de l’OLP. L’histoire des réfugiés, tout comme celle des Palestiniens, est celle de la conquête de la visibilité politique et historique, à partir du vide créé par l’exode de la Palestine mandataire, lors de la guerre de 1948 et de la création d’un seul des deux États prévus par le plan de partage de l’ONU en 1947. L’histoire des images autorisées sur les réfugiés est une part de leur histoire et sa métaphore. Jusqu’en 1967, ces photos et ces films humanitaires participent de l’invisibilité des Palestiniens. Ils ont pourtant servi des visions contrastées de l’histoire en accord avec leurs projets politiques tout en ayant contribué à leur manière à une résistance à l’effacement. A partir de 1967, les Palestiniens deviennent visibles comme peuple et groupe national : au sein de l’humanitaire, réalisateurs et photographes subvertissent en effet peu à peu, dans un contexte international renouvelé, le caractère universel et dépolitisant de la représentation des réfugiés pour incarner leur histoire à l’écran. C’est aussi le moment où, de l’intérieur de l’OLP, naît une première génération de cinéastes palestiniens. Il s’agit de réfléchir au comment de la production de ces images avec ses acteurs (les photographes, cinéastes, responsables des départements audiovisuels) et au regard du contexte des différentes périodes. A travers principalement le fonds audiovisuel de l’UNRWA, il est aussi question d’analyser la manière dont les Palestiniens et les réfugiés ont peu à peu investi le département audiovisuel pour servir leur histoire. Plus largement ce sont les enjeux politiques de ces images, le rôle qui leur a été donné par les différents protagonistes (instances internationales, pays d’accueil, OLP, militants et personnes réfugiées), et celui qu’elles ont joué dans la visibilité et la présence à l’histoire des réfugiés qui nous intéressent ici.

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