La férule et le galon.
Résumé
La comparaison de l’instituteur et du sous-officier, tous deux détenteurs de ce que l’article propose d’appeler une « autorité du premier degré », dans la France du xixe siècle, vise à éclairer quelques traits du double consentement à la règle démocratique et à la discipline patriotique. Avant 1880, la position subalterne de l’un et de l’autre se traduit par des conditions d’existence peu attractives, une image peu flatteuse et un recours fréquent à la brutalité dans les relations quotidiennes avec les élèves comme avec les recrues. L’examen de conscience qui suit la défaite de 1870-1871 et la Commune fait exprimer des attentes contradictoires. On veut que l’armée devienne une école pour la nation mais on souhaite que les maîtres d’école soient autre chose que des sous-officiers instructeurs. Ils doivent veiller à l’éducation morale et civique des enfants du peuple sans oublier que, pour la plupart, ceux-ci seront un jour soldats. Si l’obligation scolaire permet d’achever un processus d’alphabétisation auquel l’armée a pris part et qu’elle continue à contrôler dès le conseil de révision, l’appel d’une part grandissante de la jeunesse masculine pour un service d’une durée raccourcie ajoute aux fonctions de relais des sous-officiers, chargés aussi bien de la première initiation technique des recrues que d’un « rôle social » complémentaire de celui des officiers. La Grande Guerre montre la solidité de cette pédagogie nationale et en même temps l’affaiblit. Les instituteurs contesteront plus nombreux après 1918 qu’avant 1914 cette fonction idéologique et sociale de l’autorité, trait d’union entre l’école et la caserne à l’usage des classes pauvres.