Une discipline « utile » dans l'enseignement supérieur : promotion et appropriations de la gestion (1965-1975)
Résumé
Centré sur l’enseignement supérieur de gestion en France, cet article vise à rendre compte des conditions et des effets, notamment pour les étudiants, de l’académisation d’une discipline « utile ». Il restitue tout d’abord l’argumentaire utilisé pour promouvoir et rénover l’enseignement supérieur de gestion à partir du milieu des années 1960 : cet enseignement doit favoriser la modernisation économique du pays. Puis il se focalise sur la mise en œuvre de cette politique en insistant sur ses appropriations différenciées en fonction de la position dans l’espace, très hiérarchisé, des institutions de formation et en fonction des ressources des agents qui s’y investissent comme enseignants jeunes diplômés et comme étudiants. Une offre de nouvelles positions académiques apparaît au sein des écoles de commerce et à l’université. Si les nouveaux spécialistes sont devenus incontournables dans les institutions de formation à la gestion, leur position professionnelle demeure ambiguë : leurs tutelles leur reprochent ou de trop se prendre au jeu académique ou de trop se prendre au jeu entrepreneurial. Les étudiants quant à eux ont pu profiter du renouvellement pédagogique et de la revalorisation des études commerciales, mais un constat d’inertie s’impose : une ségrégation sociale forte des étudiants demeure dans cet enseignement de gestion massifié.