L'économie morale de la mort au XIXe siècle. Regards croisés sur la France et l'Angleterre
Résumé
Cet article examine la façon dont, au XIXe siècle, la question des inhumations devient, en France comme en Angleterre, l’objet d’un traitement politique qui alimente une profonde refondation des économies de la mort. Il décrit tout d’abord son émergence comme « problème public », soutenant l’invention de nouvelles formes institutionnelles autour des funérailles et des cimetières. Attentive aux arguments et principes de légitimité en débat, l’analyse rend compte de la façon dont cette construction institutionnelle est traversée, dans les deux pays, par des enjeux similaires : la question des relations entre pouvoirs publics et Églises dans le traitement de la mort, l’invention des dispositifs politiques et sociaux de prise en charge de la question sociale de la pauvreté, la construction de la légitimité de l’industrie privée comme partie prenante de l’économie des funérailles. Elle montre que la distance entre les conceptions française et anglaise, qui pourrait trop immédiatement se laisser enfermer dans l’opposition binaire monopole public / marché libre, décrit une différenciation beaucoup plus subtile. Celle-ci renvoie à des formes originales de co-régulation entre les autorités publiques, les Églises, les entrepreneurs et la société civile dans la mise en œuvre d’une économie morale autour des funérailles.