Le procès des Huit de Chicago (1969-1970) : déconstruire l'image des ennemis publics
Résumé
Le procès des « Huit de Chicago » (septembre 1969-février 1970) concerne huit personnes inculpées de « complot » (conspiracy), à la suite des émeutes qui ont éclaté à Chicago à l’été 1969 à l’occasion de la Convention démocrate, dans le contexte d’une contestation de plus en plus forte de la guerre menée par les États-Unis au Vietnam. Au cours de ce procès, les avocats William Kunstler et Leonard Weinglass durent mener de front plusieurs batailles. Tout en assumant leur rôle d’experts en droit, attentifs au respect des procédures régulières malgré les abus de pouvoir du juge, ils soulignèrent, avec leurs clients, le caractère politique du procès comme des actions qui avaient justifié les inculpations. Il leur fallait déconstruire l’image de criminels, celle d’ennemis publics, créée et propagée par l’accusation et les medias et du même coup requalifier le procès criminel en procès politique. Ils ancrèrent notamment l’action des accusés dans une tradition de révolte remontant à la fondation des États-Unis. La conception qu’avait W. Kunstler de son rôle en tant qu’ « avocat du mouvement de contestation », sa mise en cause du système judiciaire, étaient loin de faire l’unanimité au sein de la profession. Les avocats menèrent aussi une lutte incessante contre les pratiques douteuses de l’accusation qui allaient à l’encontre des règles les plus fondamentales de l’institution judiciaire (manipulation du jury par exemple). De plusieurs manières, le procès fit évoluer en cours de route la pratique professionnelle des avocats, qui ne furent pas épargnés par les sanctions du juge.