Défendre les nationalistes algériens en lutte pour l'indépendance. La « défense de rupture » en question
Résumé
Jacques Vergès est la figure centrale de la défense des nationalistes algériens et la « défense de rupture » qu’il incarne est considérée comme l’héritage de la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962). À partir de l’histoire de la répression judiciaire et d’entretiens avec des avocats engagés pendant cette période, cet article démontre cependant qu’une telle présentation doit être doublement nuancée. En premier lieu, en raison du caractère massif de la répression judiciaire en Algérie devant les tribunaux militaires, l’intervention des avocats engagés ne pouvait suffire à prendre en charge la défense des nationalistes. En second lieu, dans une logique révolutionnaire de solidarité avec le FLN, le collectif dit « Vergès », avait autant pour mission d’organiser une défense puisant dans les ressources du droit que d’utiliser les facilités de communication des avocats avec les prisonniers. Il fallait abattre les murs des prisons pour que les militants emprisonnés continuent de participer à la lutte pour l’indépendance. L’usage de la plaidoirie politique et de la « défense de rupture » doit ainsi être relativisé et la recherche historique devrait s’intéresser aux conditions concrètes de la défense, en Algérie, à travers l’histoire des barreaux locaux.