Représenter les commissaires d'exposition d'art contemporain en France : une intermédiation collective impossible ?
On estime généralement que la représentation collective pose de nombreux problèmes dans les métiers de la culture pour les raisons suivantes : individualisation du travail et des carrières, précarité de l’emploi, faible syndicalisation et forte différenciation des métiers. Nous avons éprouvé ce constat en étudiant une association créée en 2007 visant à défendre les intérêts des commissaires d’exposition d’art contemporain en France. Notre enquête se fonde sur des archives de l’association, l’observation de ses assemblées générales et sur les résultats d’une enquête sociologique récente sur l’activité de commissaire d’exposition dans le monde de l’art contemporain français. Développée au cours de ces trente dernières années en France, cette activité est aujourd’hui peu formalisée et particulièrement dynamique. Le nombre de personnes concernées a pu être évalué à quasiment un millier, dont une majorité sont des travailleurs indépendants ne vivant pas, ou très difficilement, de cette activité. Nous nous interrogeons ici sur les conditions sociales et politiques de naissance de l’association étudiée et sur les obstacles qu’elle rencontre pour se développer, en particulier au sein de la population des commissaires d’exposition. Il ressort de cette étude de cas que, plutôt que des facteurs sociaux génériques censés entraver l’action et la représentation collective dans les métiers de la culture, deux facteurs doivent être pris en compte pour expliquer ces difficultés : l’écart entre les propriétés sociales des candidats à la fonction de porte-parole et celles de leurs représentés potentiels ; le rôle de l’État, qui n’est pas toujours en mesure d’investir dans la durée les ressources nécessaires à l’autonomie des représentants dont il a pourtant favorisé l’émergence, comme dans le cas de l’association étudiée.