Le droit d'auteur et la Première Guerre mondiale : un exemple de coopération transnationale européenne
Les débats actuels concernant le droit de la propriété intellectuelle sont fortement marqués par l’influence d’organisations internationales telles que l’Organisation mondiale du commerce, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ou encore l’Union européenne. Les organisations internationales sont en fait des acteurs décisifs dans l’élaboration et l’application du droit de la propriété intellectuelle depuis la fin du XIXe siècle. La convention de Berne, qui fut signée en 1886 par les principaux États européens actifs dans le commerce des livres afin de réguler les échanges internationaux de bien culturels, en est le meilleur exemple. Il faut pourtant s’interroger sur le devenir d’une semblable organisation internationale, fondée sur des principes de coopération réciproque et pacifique entre les États et les acteurs de la société civile, lorsqu’un conflit – la Première Guerre mondiale – transforme les principaux États membres en belligérants. On montrera comment la convention de Berne a pu résister aux politiques commerciales contraignantes et à la propagande de guerre des États européens, grâce à l’émergence d’une coopération entre les éditeurs, les auteurs, les juristes et le Bureau de Berne, afin de passer outre le conflit. À partir de l’exemple de la convention de Berne, cet article avance l’idée que le commerce des livres en Europe s’est trouvé intégré dans des structures institutionnelles – tant sur le plan social que sur le plan politique et légal – qui faisaient écho à l’enchevêtrement transfrontalier de ce qu’on appelle « l’espace culturel européen », ce qui a permis de conserver les solidarités de l’internationalisme culturel d’avant-guerre.