La cantine au prisme du paternalisme industriel. Alimentation et consentement à l'usine de Dalmine (Lombardie) entre fascisme et république
La cantine de l’usine de Dalmine, ouverte en 1934, est un élément fondamental de la politique d’assistance sociale dont l’institution est célébrée par la propagande officielle. L’actualisation du paternalisme industriel d’antan sous l’égide du fascisme répond ainsi à la nécessité de resserrer l’étau sur la population ouvrière en réprimant toute manifestation d’opposition mais aussi en créant le consensus indispensable pour faire accepter la rationalisation du travail, la baisse des salaires et la suppression des libertés syndicales tout au long de l’entre-deux-guerres. Pendant la guerre, travailler dans une grande entreprise devient une garantie de survie alors que le sentiment d’appartenance à l’entreprise se renforce. Dans l’immédiat après-guerre l’usine devient un espace propice à l’émergence d’un nouveau pouvoir ouvrier. À l’usine de Dalmine, vitrine de l’esprit de collaboration et d’entraide revendiqué par l’idéologie corporatiste, la cantine est devenue un enjeu aussi bien économique que politique. Elle assure la sécurité alimentaire dans une conjoncture de pénurie et, en même temps, renforce chez les travailleurs le rapport de dépendance/reconnaissance. Ainsi, la cantine se présente comme un miroir qui donne à voir le jeu social de l’espace usinier, les relations industrielles et leur évolution au fil du temps.