La pureté de sang en révolution. Race et républicanisme en Amérique bolivarienne (1790-1830)
Si la genèse de la notion de pureté de sang a été bien étudiée dans le monde ibérique, sa disparition comme principe juridique ordonnateur du social n’a pas fait l’objet, pour l’instant, d’études spécifiques. La pureza de sangre apparaît dans l’Espagne du XVIe siècle pour exclure tous les Nouveaux Chrétiens des offices publics. Avec la conquête de l’Amérique, ce principe prend une importance cruciale au sein des nouvelles sociétés qui y naissent, après la destruction des polités amérindiennes ; il devient l’un des cadres ordonnateurs de hiérarchies sociales qui distinguent les individus et les groupes. La pureté de sang définit ainsi la race, entendue comme la transmission généalogique de la dignité et de l’indignité par le sang. À la fin du XVIIIe siècle, suivant un mouvement européen, toutes les institutions publiques accordent une attention renouvelée à la pureté du sang de leurs membres. Pourtant, à cette fermeture succède, après 1810, alors que les guerres d’indépendance commencent dans le sous-continent, un consensus général parmi les combattants patriotes sur l’abolition de la clause de pureté. Comment expliquer un renversement si brutal ? L’article essaie de montrer que l’abrogation de la pureté de sang, dont l’importance est demeurée inaperçue aux yeux de l’historiographie, a constitué un enjeu fondamental du premier républicanisme en Amérique hispanique. La décision répond à un ensemble de causes entremêlées, parmi lesquelles l’action de certains libres de couleur et d’Indiens, la logique constitutionnelle et le souvenir des révolutions de Saint-Domingue.