Pour qui roulent les cyclistes ? Un marché du travail en mutation (1950-1990)
Le marché du travail cycliste se construit dès la fin du XIXe siècle dans une relation d’intérêts entre l’univers industriel et celui de la presse. Jusqu’au second conflit mondial, les conditions de travail et de rémunération des coureurs cyclistes sont largement soumises aux logiques imposées par ces deux univers. La transformation de la conjoncture économique d’après-guerre modifie les relations d’emploi, en participant à une libéralisation du cyclisme professionnel. Dès les années 1950, l’arrivée de sponsors issus de secteurs économiques étrangers au secteur du cycle accentue la concurrence entre les organisateurs et déréglemente les pratiques du marché, générant une inflation des grilles de prix et des contrats proposés aux coureurs. Puis, dans les années 1980, c’est l’arrivée massive de capitaux injectés par des patrons d’industrie à la recherche d’une visibilité médiatique importante qui transforme les pratiques salariales et la morphologie du marché du travail. Si les coureurs ont tiré profit de cette libéralisation de l’emploi, celle-ci impose dans le même temps de nouvelles contraintes. L’article montre ainsi que les pratiques économiques des nouveaux acteurs du cyclisme à partir des années 1950 n’ont pas réellement amélioré les conditions d’emploi (statut, contrat, etc.) des coureurs cyclistes, substituant même d’autres formes de domination et de précarité à celles qui préexistaient jusqu’alors.