Les visages de l’émancipation : l’action des femmes messalistes durant la révolution algérienne
La révolution algérienne illustre un type particulier de révolution, le woman-in-the-family model, qui exclut ou marginalise les femmes des définitions et constructions de l’indépendance, de la libération et de la liberté. Cette catégorisation correspond très largement à l’idéologie en vigueur chez les partisans de Messali Hadj qui promeuvent, à travers leurs activités et leurs journaux, un féminisme différentialiste, ancré dans la tradition arabo-islamique et à dimension caritative. En réponse au déclenchement de la lutte armée et à une propagande colonialiste qui met en avant l’émancipation féminine, le contexte devient favorable à une redéfinition du rôle assigné aux Algériennes musulmanes. Ce phénomène, dont nous interrogeons les conditions d’émergence et la portée, se manifeste avec plus de vigueur dans l’émigration algérienne en France et trouve son cadre institutionnel dans l’éphémère syndicat messaliste, l’Union des syndicats de travailleurs algériens (USTA). Ces syndicalistes, préoccupées autant par l’émancipation féminine que l’indépendance nationale ou les revendications ouvrières, permettent au mouvement messaliste de présenter des visages acceptables par leurs interlocuteurs français et de se démarquer de son concurrent du Front de libération nationale (FLN).