Une affaire de marges. L’anthropométrie au conseil de révision, France-Allemagne, 1880-1900
En 1891, l’anthropologue allemand Otto Ammon entra en contact avec son collègue René Collignon, médecin militaire à Cherbourg, et une correspondance intense s’instaura entre les deux hommes, au point de constituer un réseau reliant plusieurs anthropomètres en Europe et aux États-Unis. La mensuration des recrues lors des examens devant les conseils de révision était au centre de leurs préoccupations scientifiques. Ces échanges prient pour objet des questions méthodologiques autant qu’ils développèrent une sociabilité transnationale à l’écart des structures académiques, contribuant à doter de légitimité un racisme par les « grands nombres » prétendument objectifs. Ce moment de crise de l’anthropométrie, qui a poussé les chercheurs vers les marges, leur a en même temps servi de ressource qu’une perspective transnationale permet de rendre visible.