Entre « déformateurs de mémoire historique » et défenseurs d’un passé oublié : l’édition indépendante et l’histoire dans la Russie contemporaine

La fabrique du récit historique
Par Bella Ostromooukhova
Français

Dans la nébuleuse des petites maisons d’édition qui se revendiquent comme « indépendantes » au sein du champ éditorial russe, nombreuses sont celles qui proposent une vision du passé alternative à l’historiographie de célébration d’un passé glorieux que défendent les prescriptions des autorités politiques. L’article étudie plusieurs de ces initiatives : celles de maisons d’édition fondées au début des années 1990 par d’anciens dissidents soviétiques, Vozvrachtchenie [Le retour] et Novyi Hronograf [Le nouveau chronographe], celle d’un projet plus récent conduit par une génération postsoviétique de défenseurs du patrimoine historique urbain, Moskva, Kotoroi Net [Moscou qui n’est plus], et celle, enfin, d’Ad Marginem, une maison d’édition qui a connu au début des années 2000 une percée commerciale grâce à des succès à scandale. Le rapport complexe que les fondateurs de ces maisons d’édition entretiennent avec leur propre passé, les contraintes matérielles ou morales et les aléas de parcours qui perturbent leur politique éditoriale de petits éditeurs, influent sur la façon de construire une historiographie qui se distingue d’une vision héroïque du passé. L’approche de l’histoire qu’ils développent est également multiple et polymorphe, fruit de constructions parfois divergentes mais également du rapport à l’histoire complexe que chacun de ces éditeurs a élaboré dans son parcours biographique.

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