Consommateurs, coopérateurs et socialistes ? L’Union de Lille (1892-1914)
Cet article traite de la politisation par les pratiques économiques développées au sein de la coopérative socialiste de consommation « l’Union de Lille » au tournant des XIXe et XXe siècles. Au-delà de l’amélioration des conditions de vie des classes populaires lilloises, ses dirigeants inscrivent explicitement les pratiques de consommation et l’organisation démocratique de la coopérative dans la perspective d’un projet politique socialiste, et plus particulièrement dans le guesdisme alors très influent dans le socialisme du nord de la France. Les pratiques et règles apparaissent comme un moyen de former des « consommateurs socialistes » et de fédérer la classe ouvrière, tout en finançant les activités du parti socialiste. Cependant, cette traduction politisée du projet coopératif n’est pas sans ambivalences, en ce qu’elle amène les coopérateurs à apprendre l’épargne et la prévoyance, le vote et la délégation. L’étude de coopératives socialistes permet ainsi d’éclairer les logiques complexes d’acculturation des classes populaires, à travers l’économie, aux formes dominantes de la politique sous la Troisième République.