Défendre l'ennemi public
L’évolution de la vie démocratique dans les pays occidentaux n’a pas fait disparaître la catégorie des militants considérés par la majorité des citoyens comme des « ennemis publics ». Nationalistes, terroristes, brigadistes, en Europe et dans les pays en voie de décolonisation, de l’entre-deux-guerres aux années soixante-dix : tous ont conservé le droit d’être défendus. Ce sont les paradoxes mêmes du mot « défense » qui sont au cœur de la réflexion collective d’où ce numéro est issu, entre la défense comme fonction nécessaire au procès et comme forme de justification ou d’excuse d’un acte qui a justifié l’inculpation, sans compter l’acception militaire, lorsque sont impliquées des forces armées. Les enjeux de cette explicitation rencontrent plusieurs questions importantes des sciences sociales. L’une renvoie à la figure classique du procès politique. On entend ici rapprocher la focale du processus judiciaire lui-même, afin de comprendre comment se combinent rôles judiciaires et enrôlements politiques, stratégies juridiques et enjeux partisans. Une autre question touche à la sociohistoire de la profession d’avocat. Qu’en est-il des effets politiques de la défense de ceux qui s’opposent à l’État libéral et à ses institutions ?